Migrations et intégration : pourquoi la recherche scientifique influence-t-elle si peu la décision politique ?
28 mars 2017, à l'Ined, en salle Sauvy
Les migrations et l’intégration sont au cœur des débats politiques et sociaux, en France et en Europe, depuis plus de trente ans. Les recherches sont régulièrement convoquées pour alimenter ces débats et surtout pour soutenir la décision politique à l’ère des evidence-based policies. Ces recherches se sont développées en relation avec la demande sociale, les infrastructures et les chercheurs spécialisés sur ces thématiques ainsi que le nombre de publications ont nettement progressé. Pour autant, le décalage entre le savoir accumulé dans les recherches et les orientations prises par les politiques n’a jamais été aussi grand. Cette situation vaut également pour les médias dont le traitement à flux tendu de l’actualité migratoire et de l’intégration conduit à mettre sur le même plan des résultats de recherches scientifiques et des points de vue professés par des experts plus ou moins reconnus dans la sphère médiatique. Il y a là un paradoxe qui est expliqué de différentes manières et dont les implications en termes de stratégies de recherche varient considérablement.
La première explication, la plus fréquente, est qu’il y a un défaut majeur dans le transfert des résultats des recherches sur les migrations et l’intégration vers la décision politique et la société civile. Ces recherches ne se préoccuperaient que très peu de leur application dans le cadre de politiques publiques et le caractère soit trop spécialisé, soit trop critique, des analyses les rend impropres à leur utilisation dans un autre contexte. Par ailleurs, la communication scientifique serait défaillante et aggraverait cette déconnexion entre les recherches et leurs utilisateurs en dehors du monde académique.
Une seconde explication réside dans les attentes et objectifs des décideurs publics. L’utilisation des savoirs produits par la recherche sur les migrations et l’intégration ne buterait pas sur le format des résultats ou leur conception antinomique avec l’action politique, mais plutôt sur le manque d’intérêt réel des décideurs guidés par une politique de l’opinion, c’est-à-dire recherchant plus à répondre aux attentes supposées de l’opinion publique qu’à produire des politiques répondant aux besoins et situations identifiées par la recherche. En ce sens, le fossé entre recherche et politiques ne tiendrait pas tant à des problèmes de communication et de contenu qu’aux besoins concrets des décideurs.
Ces explications ne sont pas exclusives l’une de l’autre, mais elles engagent clairement des interprétations différentes du succès de thèses infondées sur le coût des migrations, les difficultés de l’intégration et les enjeux des sociétés multiculturelles. A l’heure du succès annoncé de partis populistes dans plusieurs pays européens, la question de la réception de la recherche scientifique doit être posée.
Dans ce contexte, et quelques semaines avant les élections présidentielles en France, l’unité « Migrations internationales et minorités » et le pôle de recherche « Perspectives internationales » proposent de débattre des relations entre recherches et politiques en revenant sur les expériences d’expertise de chercheur-e-s en relation avec des politiques en France et dans plusieurs pays européens.